Vous est-il arrivé de ne pas pouvoir vous désinscrire d’une infolettre ? De faire un parcours du combattant pour effacer votre compte sur une plateforme en ligne ? D’acheter un produit en ligne que vous n’aviez pas prévu de vous procurer ? Tout ceci n’est pas le fruit du hasard et ce principe porte même un nom: Dark pattern !

Sous ce terme anglophone se cache un principe de manipulation bien ficelé auquel plusieurs gros acteurs du Web utilisent pour vous ponctionner encore plus d’argent ou tout simplement vous retenir dans leurs filets. C’est tellement bien étudié que cela pourrait faire un cas d’école dans le monde fantastique du UIX ou de l’interface et expérience utilisateur dans la langue de Molière. Parce que oui c’est à dessein que tout ceci est mis en place. Prenez par exemple la locomotive Amazon pour un petit exercice: je vous donne deux minutes pour aller simplement effacer votre compte sur cette plateforme. Vous avez déjà tenté la chose ? Pas facile non ? Tout est fait pour vous décourager à le faire. Monsieur Jeff Bezos le sait et cela fait partie intégrante de sa politique d’utilisation que de vous faire baisser les bras à le quitter.

Autre exemple qui est de plus en plus courant, tellement courant que j’ai moi-même constaté la chose chez plusieurs acteurs de la vente en ligne ici en Suisse, celui du désabonnement à une infolettre, vous savez LA fameuse newsletter à laquelle on ne souhaite plus rester inscrit tellement nous sommes bombardés d’informations. La logique voudrait que nous ayons « juste à cliquer » en bas de chaque missive sur le lien « se désinscrire » pour ne plus voir sa boite mail polluée par trop de contenus. Mais voilà, ce n’est pas toujours aussi évident de le trouver ce fameux lien, pire encore le lien vous amène sur un formulaire sur lequel vous avez presque besoin de renseigner toute votre vie numérique pour simplement demander de vous retirer de leur listing quand ce n’est pas l’autre façon pernicieuse qui vous invite à envoyer un mail pour demander votre désinscription, un comble en 2019 !

Un autre cas très courant est celui des pop-up, vous savez ces fenêtres intempestives qui apparaissent pardessus le contenu d’un site que vous étiez tranquillement en train de parcourir. Alors oui ces fenêtres peuvent être ôtées de votre vue avec un simple clic, oui si ce simple clic est possible avec le tout petit bouton bien caché et peut être indiqué avec la mention « fermer ». Les concepteurs de ces sites ont un malin plaisir à mettre plus en avant toutes les actions qui vous retiendront sur leurs sites que de rendre plus visibles toutes les options de fermeture, de désinscription sur le design de leurs plateformes.

Allez, parlons encore d’un autre exemple trop souvent utilisé et qui a la fâcheuse tendance de très bien fonctionner. Tellement efficace que plus de 8 internautes sur 10 se laissent berner par cette technique douteuse, celle de l’urgence. Vous êtes à parcourir un site comparatif de prix de votre prochain séjour pour une chambre d’hôtel quand tout un coup la mention « il ne reste plus que 2 chambres pour cet établissement » Il est apparu que cette technique n’a rien de fondé et a pour seul but de vous stresser à commander ladite chambre dans la minute et ça marche. On trouve cette technique sur plusieurs sites, pas uniquement pour des chambres d’hôtel.

Alors quelles sont les solutions me direz-vous ? Comment se défaire de telles pratiques ?
Il semblerait, en tous cas aux États-Unis, que ces pratiques pourront bientôt être considérées comme illégales.
La sénatrice du Nebraska Deb Fischer et le sénateur de Virginie Mark Warner ont déposé une proposition de loi visant à interdire ces pratiques. Surnommé le DETOUR Act (pour Deceptive Experiences To Online Users Reduction), leur texte vise à rendre illégale l’utilisation de dark patterns pour les plateformes comptant plus de 100 millions d’utilisateurs et utilisatrices actives par mois. Il leur serait alors interdit de produire ou de modifier le design d’une interface dans le but de tromper les internautes. La barre est fixée très haute, c’est peut être ici la limite de cette initiative et comment la mettre en place ou tout simplement contrôler les milliers de sites qui continuent de telles pratiques ?

Si la proposition de loi est acceptée, de nombreuses entreprises devront repenser totalement leur business modèle, mais malheureusement elles ont probablement encore de beaux jours devant elles, dommage pour nous.